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Y-a-t-il trouble anormal de voisinage en zone urbaine ?

Dans une décision récente, la Cour de cassation a rappelé que pour déterminer l'anormalité d'un trouble de voisinage, le juge doit tenir compte de l'urbanisation de la zone concernée. L'occasion de rappeler que l’anormalité de bruits de voisinage s’apprécie aussi  en tenant compte de l’environnement dans lequel s’inscrit la construction litigieuse. Peuvent être pris en compte par le juge : l'intensité du bruit, sa durée, le moment de sa survenance, et... sa localisation et l'environnement dans lequel survient la nuisance.

Le propriétaire d'une villa s’était vu accorder un permis de construire pour réaliser une extension. La propriétaire voisine a assigné son voisin en justice afin d'obtenir la démolition de la construction aux motifs qu'elle ne respectait pas le permis de construire, et que surtout, elle engendrerait à termes divers troubles de voisinage, notamment la perte d'ensoleillement et la perte de vue. Les travaux projetés réduisait en effet largement la distance engre les deux maisons : à l'origine de 7,58 mètres, la distance d'éloignement a été réduite à 4 mètres par la construction du mur pignon de l'immeuble.

N'obtenant pas réparation auprès du tribunal, la voisine a fait appel. La Cour d'appel de Montpellier a reconnu un trouble anormal du voisinage, en jugeant que la réduction de la distance entre les deux bâtisses limitait de manière significative la vue la voisine, affectant ainsi les conditions de jouissance et la valeur immobilière de son bien. Mécontent de l'issue de cette affaire, le voisin l'a porté devant la Cour de cassation. La Haute juridiction a cassé la décision de la Cour d'appel, et tenu compte de la jurisprudence rendue en matière de trouble anormal de voisinage, qui tient compte de l’urbanisation de la zone concernée : « En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l’urbanisation de la zone où se trouvaient les immeubles n’était pas de nature à écarter l’existence d’un trouble anormal, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ». Cela signifie que l’appréciation de l’anormalité du trouble de voisinage doit se faire à la lumière de l’environnement dans lequel la construction s’insère. L’anormalité du trouble s’apprécie alors in concreto, en tenant compte de l’environnement dans lequel s’inscrit la construction litigieuse. La condamnation du maître de l’ouvrage pour trouble anormal de voisinage apparait alors comme plus difficile en zone urbanisée.

En matière de bruits de voisinage, l’anormalité du trouble s’apprécie aussi in concreto, en tenant compte de l’environnement dans lequel s’inscrit la construction litigieuse. Peuvent être pris en compte par le juge : l'intensité du bruit, sa durée, le moment de sa survenance, et... sa localisation et l'environnement dans lequel survient la nuisance.

Si dans cette affaire, le trouble anormal du voisinage est difficilement reconnu en zone urbaine, en matière de bruit, le juge estime généralement qu’en zone rurale, une certaine tolérance doit être de mise, par exemple en ce qui concerne le chant du coq (voir notre article "Chant du coq en Isère : le tribunal se déclare incompétent" "Chant du coq en Isère : le tribunal se déclare incompétent"). Autre exemple : le bruit dans un immeuble ancien destiné à l’habitation bourgeoise et mal isolé peut constituer une nuisance normale du voisinage, car le problème n'est ici pas les voisins, mais la mauvaise performance acoustique du bâtiment (Cour d'appel de Paris, 8 avril 2015, n° 13-18.574).

Rappelons que « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage » (article 1253 du Code civil). « Le propriétaire, le locataire, l'occupant sans titre, le bénéficiaire d'un titre ayant pour objet principal de l'autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d'ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l'origine d'un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte ». En effet, le régime de responsabilité du trouble anormal de voisinage est une responsabilité objective : elle ne nécessite pas d’apporter la preuve d’une faute, mais plutôt la démonstration d’un trouble « qui par son caractère excessif lié notamment à son intensité, sa durée ou à sa répétitivité, excède les inconvénients ordinaires » (Cour d'appel d’Aix-en-Provence, 21 septembre 2023, 20/00812).

Source : Cour de Cassation, Chambre civile 3, 27 mars 2025, n°23-21.076

Une question sur le bruit ?