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Non, le contrôle technique des deux roues n'est pas rétabli

Oui, le Conseil d’État a annulé le décret qui avait supprimé la mise en place du contrôle technique des "deux-roues" motorisés. Pour les juges, le contrôle technique des deux-roues doit être mis en œuvre. Non, le contrôle technique n'est pas automatiquement rétabli. Décryptage. 

deux roues villeRetour sur dix ans de procédure

Pour comprendre la décision de la justice administrative, il faut revenir presque dix ans en arrière. Depuis 2014, une directive européenne impose la mise en place du contrôle technique des deux-roues ou trois roues motorisés, afin notamment de réduire les nuisances sonores causées par le débridage des moteurs. Aujourd'hui, plus de 17 États membres ont déjà transposé la directive. La France avait jusqu'au 1er janvier 2022 pour mettre en place ce contrôle technique, ou bien trouver une solution alternative efficace. 

En 2021, la France instaure le contrôle technique par décret. Ce texte prévoit la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur. Surprise, il soumet ces véhicules en circulation à une obligation de contrôle technique périodique à compter du 1er janvier 2023 suivant un calendrier d’échelonnement des contrôles par ancienneté des véhicules. Or, la France a jusqu'au 1er janvier 2022 pour mettre en place ce dispositif. L'échelonnement dépasse donc les exigences de l'Union. 

Pour se conformer tout de même aux exigences européennes, la France a donc choisi de présenter des mesures alternatives, comme le prévoit la directive, et choisit la mise en place du contrôle des niveaux sonores par des "radars" sur les routes.

En mai 2022, saisi par plusieurs associations de protection de l'environnement, le Conseil d'État considère ce choix des radars sonores comme une alternative insuffisante. Il juge également que l'échelonnement est excessif et ne devrait pas dépasser le 1er octobre 2022 pour être conforme aux exigences de la directive. 

Finalement, le 25 juillet dernier, l'État supprime totalement le contrôle technique en adoptant un décret abrogeant le décret initial de 2021. Les associations de protection de l'environnement crient à la violation du droit de l'Union et saisissent le Conseil d'État pour juger de la légalité de la décision du Gouvernement. 

Coup de théâtre ce 31 octobre : le Conseil d'État annule la décision gouvernementale de supprimer le contrôle technique des deux-roues. Deux motifs du Conseil d'État nécessitent un éclairage.

Toute décision ayant une incidence directe et significative sur l'environnement doit faire l'objet d'une consultation publique

Dans sa décision du 31 octobre, le Conseil d'État reconnait d'abord que la circulation de ces véhicules a des effets nocifs sur l’environnement, en termes de pollution atmosphérique et sonore, particulièrement dans les zones urbaines. Par conséquent, la suppression de l'obligation du contrôle technique  "doit être regardée comme ayant une incidence directe et significative sur l’environnement".

Or, selon le Code de l'environnement, toute décision ayant une incidence directe et significative sur l'environnement doit faire l'objet d'une consultation publique préalable. Il aurait donc fallu que l'adoption du texte suppressif soit précédé d'une consultation du public, ce qui n'a pas été le cas dans le cadre de l'adoption du décret de juillet 2022. 

Les "radars" sonores ne sont pas des alternatives suffisantes au contrôle technique

L'État français avait proposé la mise en place de "radars" sonores* comme alternative au contrôle technique des deux roues. Or, les juges rappellent que cette mesure alternative ne répond pas aux conditions de la directive, d'abord parce qu’elles sont seulement à l’état de projets. La mise en place des radars est en effet à l'état d'expérimentation sur le territoire français jusqu'en 2024

Par ailleurs, les objectifs de la directive européenne sont multiples et ne se limitent pas à la réduction des nuisances sonores : le contrôle technique des deux roues doit aussi permettre d'améliorer la sécurité routière et de réduire les émissions de polluants. La mise en place de radars sonore ne permet donc pas d’améliorer de façon suffisamment efficace et significative la sécurité des motards sur la route. 

Quelles alternatives alors en matière de sécurité routière ? Pour le Conseil d'État, seules la réforme du permis A en 2016 et en 2020, la mise en œuvre de l’obligation du port de gants pour les conducteurs et les passagers, l’uniformisation des dimensions des plaques d’immatriculation, l’apposition sur les véhicules lourds d’autocollants « angles morts » et la mise en œuvre de campagnes de communication et de prévention peuvent être considerées comme des mesures alternatives de sécurité routière. Toutefois, de telles mesures n'apparaissent pas comme procédant d’une stratégie cohérente de sécurité routière et ne peuvent qu’être regardées comme trop ponctuelles et manifestement insuffisantes.

Les juges invitent donc le Gouvernement à revoir sa copie.

Et après ?

Le décret suppressif de juillet 2022 est annulé, le décret initial de 2021 est restauré, et l’État doit verser 3000 euros aux associations requérantes.

Attention, cette décision n'a pas pour effet de rétablir le contrôle technique : un texte d'aplication du décret initial, celui de 2021, doit être publié après consultation avec les différents acteurs concernés. En outre, les juges s'accordent sur le fait que le gouvernement pourra très bien adopter un échelonnement dans le temps de la mise en oeuvre du dispositif, mais aussi faire une différenciation selon l'ancienneté du véhicule.

 

*Ce qui est appelé couramment l'expérimentation des radars sonores est en réalité une expérimentation sur deux ans de la constatation des niveaux d’émissions sonores des véhicules en mouvement par des appareils de contrôle automatique fixes et mobiles. Lancée par la Ministre Barbara Pompili en janvier 2022, l'expérimentation a lieu sur le territoire de sept collectivités volontaires : Bron (69), Paris (75), Rueil-Malmaison (92), Villeneuve-Le-Roi (94), la communauté de communes de la Haute Vallée de Chevreuse (78), la métropole de Nice (06) et la métropole de Toulouse (31).

Décision du Conseil d'État, cont, 31 octobre 2022, n° 466125

 

 

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