Pendant la période de confinement liée au Covid-19, les Français - surtout les citadins - découvrent un phénomène auquel ils n'avaient jamais été confrontés jusqu'ici : la suspension de l'activité humaine entraîne une baisse significative du bruit ambiant, notamment de certaines sources de bruit liées au "grouillement" humain (bruit du trafic routier, des bars et restaurants...). D'autres sons, jusqu'alors masqués, réapparaissent pour le bonheur des uns et le malheur des autres. Pour aller plus loin, l'association Acoucité a interrogé ses balises de mesures ainsi que le ressenti des Français sur une période de six semaines. Retour sur ces résultats à l'aube du déconfinement.
Un changement physique : une baisse du niveau sonore de 4 à 6 dB dans les grandes villes !
Acoucité a réalisé une comparaison des niveaux sonores en période hors-confinement avec les niveaux relevés en période de confinement par 21 stations de mesures en continu placées sur le territoire des métropoles suivantes : Lyon, Aix-Marseille Provence, Grenoble, Saint Etienne et Toulouse. Ces mesures ont fait l'objet d'un travail d'analyse fine, notamment par l'exclusion des échantillons non exploitables (météo, événements anormaux) ainsi que d'autres facteurs d'incertitudes.
Dans la plupart des cas, on observe une réduction globale de 4 dB à 6 dB. Cela représente 60% à 75% de l’énergie sonore ! Des réductions plus importantes sont relevées dans certains "coeurs de ville" (place Bellecour à Lyon, place Victor Hugo à Grenoble), là où en temps normal, le trafic routier est couplé à une forte densité humaine (piétons et commerces). C'est d'autant plus vrai en période nocturne (22h - 6h). Notons que des réductions moins importantes ont été relevées lors de la sixième semaine de confinement. Signe de relâchement ?
Un changement perceptif : une forte diminution de l'intensité sonore perçue
Afin de recueillir le ressenti des Français, Acoucité a lancé une enquête de perception à laquelle plus de 1000 personnes ont répondu. L'enquête est toujours disponible en ligne. 62 % des répondants vivent en zone urbaine. 51 % des répondants résident à proximité d'une voie routière bruyante.
Les Français ressentent chez eux une forte diminution de l'intensité perçue du bruit toutes sources confondues. Il s'agit d'une baisse importante de 2,32 points si l'on compare la situation avant confinement et la période actuelle. Les répondants ressentent une forte diminution du trafic routier (78.8%), aérien (50,7%) et ferroviaire (45,4%) et une augmentation des sons d’origine naturelle et humaine (voisinage). En revanche, le bruit ambiant n'a pas laissé place au silence : la hiérarchie des sources de bruit selon la gêne est simplement inversée. Auparavant gênés en premier lieu par le trafic routier, suivi des bruits de voisinage et des sons naturels, les sons naturels suivi des bruits de voisinage sont prépondérants lorsque l'on est chez soi.
Rester acteur de cette partition sonore est un enjeu pour demain !
Cette étude permet d’objectiver un ressenti unanime sur le confinement. Nous revenons à une conception du paysage sonore de haut fidélité (Hi-Fi) décrite par Murray Schafer, avec des sons harmonieux et identifiables comme les sons de la nature, par rapport à un paysage avant confinement de basse fidélité (Low-Fi) avec des sons hétéroclites et des informations acoustiques sans intérêt, rendues uniformes avec la suprématie des transports. Cette période de confinement permet à tout un chacun de tendre l’oreille et d’identifier les sons de son environnement sonore de proximité dépollué par des bruits des transports et des activités. Cette situation favorise de toute évidence une perception active des sons qui nous entourent pour identifier les sons utiles à notre équilibre.
Ne devrions-nous pas préserver cette richesse de l’environnement sonore, si important à notre équilibre et à notre santé, à l’issue du confinement, en privilégiant a minima des périodes et des zones de calme ou de ressourcement ?
La période de confinement a également pû révéler certains désordres acoustiques dans nos logements : cours intérieures qui résonnent, fenêtres mal isolées...Et même conformes à la réglementation, nos logements nous isolent ils suffisamment du bruit de nos voisins? répondent-ils à nos besoins les plus modernes ? Ces découvertes constituent des pistes d'amélioration pour mieux construire demain.
Consulter le rapport d'Acoucité