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Un arrêté municipal anti-mendicité annulé par le Conseil d’État

Dans une décision du 16 juillet 2021, le Conseil d’État rappelle l’importance pour un maire, dans le cadre de ses pouvoirs de police généraux en vue d’assurer la tranquillité publique, de prendre des mesures qui ne soient ni générales ni absolues.

voie publiqueUn arrêté municipal anti-mendicité ne peut pas interdire l’émission de bruits de conversation et de musique « audibles par les passants » par des groupes de personnes sur la voie publique sans en préciser la durée ou l’intensité : ces mesures portent atteinte à la liberté personnelle et en particulier à la liberté d’aller et venir.

 

Devant le tribunal administratif de Lyon, une association de défense des droits de l’Homme a partiellement contesté un arrêté municipal de 2015 pris par la ville de Saint-Etienne. L’article 1er de cet arrêté interdisait pour trois mois la pratique de la mendicité en interdisant la station assise ou allongée sur la voie publique, le regroupement de chiens, mais également la diffusion de musique audible par les passants ou l’émission d’éclats de voix. Pour justifier ces mesures d’interdiction, la commune invoque une augmentation de la délinquance et des incivilités dans son centre-ville. L’association invoque, quant à elle, une atteinte aux droits de l’Homme.

N’obtenant pas l’annulation du texte devant le juge, l’association a porté son recours devant la Cour administrative d’appel, qui a rejeté une nouvelle fois sa demande. Pour les juges du fond, en prenant cet arrêté anti-mendicité, le maire usait légalement de ses pouvoirs généraux de police en matière d’atteinte à la tranquillité publique (article L2214-2 du Code général des collectivités territoriales).

L’affaire est donc portée devant le Conseil d’État, qui annule l’article litigieux de l’arrêté municipal, et enjoint Saint-Etienne à verser 6000 euros à l’association requérante. 

Une interdiction trop générale du bruit sur la voie publique

Pour le Conseil d’État, les juges du fond se sont mépris sur la portée de l’arrêté municipal : le maire n’use pas de ses pouvoirs de police généraux en identifiant des comportements précis comme étant, par principe, de nature à troubler l'ordre public. 

Par ailleurs, l’arrêté interdit le fait pour un groupe de plus de trois personnes d'émettre des bruits de conversation et de musique « audibles par les passants », sans en préciser la durée et l'intensité. L’arrêté interdit certains comportements « sans aucune limitation de plage horaire et tous les jours de la semaine, dans un vaste périmètre géographique correspondant à l'ensemble du centre-ville de la commune ». Le Conseil d’État reconnait le caractère général et absolu de l’arrêté, portant atteinte à la liberté personnelle, en particulier à la liberté d’aller et venir, qui est disproportionnée au regard de l’objectif de sauvegarde de l’ordre public poursuivi. 

En effet, un maire peut prendre des mesures visant à assurer la tranquillité de ses administrés, sans que ces mesures portent atteinte à leurs libertés fondamentales comme celles de circuler et de s’exprimer (en interdisant par exemple l’utilisation toute la journée de haut-parleurs dans le cadre d’une campagne électorale – Conseil d’État, 11 juin 2012, n° 360024). Le tribunal de Pau avait suspendu l’arrêté anti-mendicité de la commune de Bayonne prohibant la diffusion, sans autorisation préalable, de musique. Pour être légales, ces mesures doivent en effet être assorties d’amplitudes horaires et être justifiées par l’intérêt général, le maintien de l’ordre public ou de la tranquillité publique par  exemple (Tribunal administratif de Pau, ord., 22 décembre 2020, n° 200367).
Une question sur le bruit ?