Accéder au contenu principal

L’Ile-de-France s’intéresse aux traumatismes sonores aigus

Les traumatismes sonores aigus (TSA) sont des lésions de l’oreille consécutive à une exposition à un son trop fort (pétard, explosion…). Ils peuvent affecter l’audition de façon définitive, en provoquant une surdité partielle ou totale, des acouphènes ou de l’hyperacousie. En outre, leur apparition peut, chez certaines personnes, s’accompagner de conséquences psychologiques et sociales considérables.

Les services Santé-Environnement des DDASS et de la DRASS d’Ile-de-France travaillent sur la thématique de la musique amplifiée depuis 1997 au sein d’un groupe régional, le Pôle régional Bruit, auquel participent également la Préfecture de Police de Paris et un représentant de la Direction générale de la santé. Le Pôle régional bruit d’Ile-de-France a mis en place un réseau expérimental de déclaration des traumatismes sonores aigus (TSA) en Ile-de-France. Le bilan 2004-2006 des données collectées par ce réseau vient de faire l’objet de la publication d’un rapport. A travers ce réseau, le Pôle entendait mener une réflexion sur la possibilité de recenser les TSA en Ile-de-France, de déterminer les causes de ces TSA, de vérifier l’application de la réglementation lorsque l’origine est un lieu musical relevant du décret du 15 décembre 1998 et d’intervenir si la réglementation n’est pas respectée afin d’éviter la survenue de nouveaux accidents auditifs dans l’établissement (actions directes des DDASS et de la Préfecture de Paris). Les rangs des déclarants volontaires du réseau étaient constitués de médecins ORL (libéraux et hospitaliers) et d’audioprothésistes d’Ile-de-France. Quant à la population d’étude, il s’agissait des personnes qui consultent en Ile-de-France quel que soit leur lieu d’habitation et indépendamment du lieu où le TSA a été contracté.

Un total de 176 cas exploitables de TSA a été signalé, majoritairement par les ORL libéraux (84%). Plus de la moitié des cas concerne des personnes âgées entre 20 et 40 ans, des hommes dans 70% des cas. L’explication avancée dans le rapport à cette forte représentation masculine est la plus grande tendance chez les hommes à adopter des comportements à risque, comme on le remarque pour la sécurité routière. En outre, cette information pourrait permettre de mieux cibler les campagnes d’information. Concernant d’éventuels antécédents, 31 cas présentaient des facteurs de risques auditifs antérieurs à l’événement signalé. Il peut s’agir de traumatismes sonores chroniques (travail, baladeur), de presbyacousie ou d’otites à répétition dans l’enfance. Les TSA diagnostiqués sont presque systématiquement associés à des acouphènes (88% des cas) et à une perte d’audition (69% des cas). L’hyperacousie (29% des cas) semble être le symptôme le moins fréquent.

Quelles sont les causes de ces TSA ? L’écoute ou la pratique de la musique, avec 53% des causes recensées, apparaît comme le principal motif de traumatisme. Selon les signalements, ce sont les jeunes qui sont les plus touchés par les troubles auditifs liés aux musiques amplifiées (les TSA dus aux concerts et discothèques sont quatre fois plus fréquents chez les moins de trente ans que chez les plus de trente ans). Cette prépondérance de l’exposition à la musique amplifiée mérite des études complémentaires, mais elle permet d’orienter dès à présent la communication pour la prévention de ces risques. Les concerts en salle et les discothèques, tous deux visés par l’application du décret n° 98-1143 relatif aux établissements diffusant à titre habituel de la musique amplifiée, représentent respectivement 43% et 25% des cas de TSA. Les concerts en plein air qui, eux, n’ont pas encore fait l’objet d’une réglementation de protection du public, représentent 8% des cas déclarés. Vient ensuite l’utilisation du téléphone portable (14% des cas de TSA recensés). Le TSA serait causé par l’effet Larsen du haut-parleur lors des ruptures de réseau (éloignement de l’antenne) ou par le déclenchement de la sonnerie d’appel lorsque l’oreille est près de l’appareil. Néanmoins, des investigations complémentaires sont nécessaires pour confirmer ces hypothèses. A ce titre, la Direction générale de la santé a été saisie de ce dossier et a adressé un courrier à un syndicat professionnel regroupant les constructeurs de téléphones portables, ainsi qu’à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). L’AFSSET, en charge de la veille sur la téléphonie mobile, à également été saisie. Majoritairement, les victimes de TSA liés au téléphone portable sont âgées de plus de 30 ans, ce qui semble accréditer l’hypothèse d’une sensibilité accrue avec l’âge. On notera que les signalements comptent 20 cas (11%) de TSA imputé à un accident du travail. Il faudrait nuancer ce résultat : dans la mesure où il existe d’autres modes de déclaration dans ce domaine, le nombre de TSA d’origine professionnelle est donc probablement sous-estimé dans cette étude. Toutefois, cette observation est à rapprocher de celui de l’enquête Sumer (INRS, 2005), qui indique que « près de 7% des salariés sont exposés à des bruits nocifs ». On retrouve également dans l’échantillon les diverses disciplines de tir comme cause de TSA (tir sportif : 4% ; chasse : 1%). Des résultats qui ont incité le groupe de travail régional animant le réseau TSA à mettre en place une campagne d’information sur les dangers du tir à destination du public qui fréquente les stands de tir.

En outre, les données recueillies dans le cadre du réseau confirment les résultats de l’enquête présentée par le docteur Fombeur au Conseil national du bruit en 2003. Menée entre juin 2001 et décembre 2002, cette enquête a permis d’identifier des causes de TSA et de détailler les séquelles auditives des victimes d’incidents sonores liés à l’écoute de la musique amplifiée. Ces résultats ont mené le docteur Fombeur à estimer qu’en France, un ORL traite en moyenne un cas de TSA tous les deux ans, ce qui représenterait 1400 cas de TSA par an, dont plus de la moitié serait due uniquement à l’écoute de musiques amplifiées.

Un des buts majeurs de cette étude était la mise en place d’une prévention par le contrôle des établissements diffusant de la musique amplifiée dans lesquels une personne avait déclaré avoir été victime d’un TSA. Un total de 43 fiches a correspondu à ce cas de figure, dont 2 concernaient un lieu de province et 2 un lieu situé à l’étranger. Les 39 fiches restantes correspondent toutes à des lieux musicaux situés à Paris, 18 établissements différents au total (13 discothèques, 3 salles de concerts, 2 salles de spectacles). Certains lieux ont été cités plusieurs fois (dont un 6 fois et un autre 8 fois). Parmi ces 18 lieux musicaux signalés par les victimes, 16 (89%) n’étaient pas en conformité avec la réglementation parue en 1998 destinée à protéger l’audition du public. La situation administrative de ces établissements, au moment de la déclaration au réseau, était la suivante : 11 établissements sans étude d’impact, dont un équipé d’un limiteur de pression acoustique ; 5 établissements avec étude d’impact incomplète ; 2 établissements avec une étude d’impact concluant à leur conformité avec l’installation d’un limiteur de pression acoustique conforme, réglé et plombé par l’installateur. Ces 16 non-conformités sont à rapprocher d’un autre chiffre similaire, à savoir les 13% d’établissements seulement respectant le décret, statistique observée lors de l’étude sur les niveaux sonores dans les discothèques réalisée par le Pôle régional Bruit d’Ile-de-France entre 1997 et 2000. Il convient en outre de préciser que la présente étude ne permet pas d’imputer de façon certaine la survenue d’un TSA à la fréquentation de l’établissement signalé, seule une enquête complémentaire auprès des victimes permettrait d’objectiver l’absence d’une autre cause possible. Les auteurs du rapport estiment néanmoins que le constat précédent (89% d’établissements non conformes parmi les lieux signalés) montre l’importance de la déclaration nominative des établissements dans l’optique de mettre en place une prévention consistant à mettre en conformité les établissements avec les dispositions réglementaires du décret du 15 décembre 1998. A la suite du constat initial, les services de la Préfecture de Police ont transmis : 18 courriers « info décret » précisant le, ou les cas de TSA, accompagnés de brochures d’information éditées par la Préfecture de Police ; 11 demandes de réalisation de l’étude d’impact des nuisances sonores ; 5 demandes de complément d’étude d’impact. De plus, trois établissements ont fait l’objet d’une enquête.

Quelles conclusions le Pôle bruit d’Ile-de-France tire-t-il de cette étude ? Le Plan national santé environnement (PNSE) 2004-2008 insiste sur l’importance de « protéger les adolescents des risques dus à la musique amplifiée » et prévoit que les services de l’Etat mènent des actions de contrôle visant à s’assurer de la mise en conformité des discothèques et des salles de concert (action 28). La déclinaison dans la région Ile-de-France de cette action devrait permettre de sécuriser ces établissements où se sont produits 40% des traumatismes sonores aigus constatés. Le manque de données sur ce type d’accident causé par une exposition à niveau sonore trop élevé nécessite la mise en place d’une étude épidémiologique plus approfondie. L’Institut de veille sanitaire a en outre proposé qu’une réflexion soit menée sur la mise en place d’un système de surveillance épidémiologique des traumatismes sonores aigus.Télécharger l'étude (format pdf - 2,5 Mo)

Une question sur le bruit ?