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Taxe sur les nuisances sonores aériennes : comment remonter la pente ?

Le ministre chargé des transports a demandé au Conseil général des Ponts et Chaussées d’étudier les raisons de l’écart important constaté entre les prévisions de recettes établies par la DGAC concernant la taxe sur les nuisances sonores aériennes et son produit. Parmi les causes d’une telle situation, devaient être examinés : les modalités de recouvrement reposant sur la déclaration des compagnies, leur contrôle et l’application du processus de sanction ; l’emploi des crédits par les gestionnaires des aéroports concernés ; la simplification éventuelle du dispositif.

La mission devait en outre tenir compte des décisions prises lors de la réunion interministérielle du 25 juillet 2006, au cours de laquelle avaient été arrêtés les principes suivants : non péréquation des recettes de la taxe entre les aéroports afin d’éviter que des compagnies non responsables aient à supporter les conséquences des nuisances d’autres transporteurs, par application du principe « pollueur-payeur » ; modification éventuelle des coefficients pour atteindre l’objectif de 55 M€ fixé pour 2006.

Cette mission, conduite du 7 septembre au 13 octobre 2006, à été confiée à deux membres du Conseil général des Ponts et Chaussées, Dominique Bidou et Michel Socie.

La Taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA), créée à compter du 1er janvier 2005, est une taxe spécifique « sur les nuisances sonores », inspirée du principe pollueur payeur, basée sur la déclaration des compagnies aériennes. Le produit de cette taxe, destiné au financement des aides aux riverains, ne peut être utilisé que sur l'aéroport où elle a été collectée. L’instruction des dossiers d’aide aux riverains est assurée, non plus par l’Ademe, mais par les gestionnaires d’aérodromes qui reçoivent, sans le collecter, le produit de la taxe et le gèrent. Tous les aéronefs de plus de 2 tonnes, y compris les privés, à l’exclusion explicite des aéronefs d’Etat ou remplissant des missions de lutte contre l'incendie, sont assujettis à la TNSA. Côté bases de calcul, la formule associe masse au décollage, horaire, classement acoustique des aéronefs et catégorie d’aéroport. Ces critères sont affectés de coefficients et de niveaux tarifaires spécifiques, situés dans une fourchette permettant des éventuels ajustements (ce qui a été fait à plusieurs reprises). Afin de taxer davantage les vols de nuit, deux dispositions réglementaires de 2005 sont venues modifier les coefficients de modulation. Depuis ces changements, qui ont porté sur les horaires et les catégories acoustiques, le niveau de la taxe pour chaque groupe d’aéroports varie de 0,5 € à 22 €. En cas de défaut de paiement, une aggravation des sanctions, au-delà de la taxation d’office déjà prévue, sous la forme d’une saisie conservatoire des aéronefs sur demande de la DGAC, a été rendue possible.

Trois causes principales

Les conditions de recouvrement de la taxe sont fréquemment dénoncées comme étant à l’origine de la baisse sensible des recettes constatée en 2005, date de la prise en charge du dispositif par la DGAC. De fait, le montant collecté, après avoir atteint 35,01 M€ en 2004, était retombé à 23,84 M€ en 2005, contre 50 M€ attendus selon le débat parlementaire. Pourtant, il semble qu’il faille chercher ailleurs la cause de la chute brutale des recettes en 2005. Selon les termes du rapport des Ponts et Chaussées, trois explications sont avancées au décalage important entre les recettes réelles et les recettes attendues : l'évolution du mode de calcul instauré par la loi de finances rectificative du 31 décembre 2002, l'insuffisance de la base de données acoustiques et le changement du mode de perception.

Première raison, dominante, à la baisse des recettes, l’introduction mal évaluée d’un nouveau coefficient acoustique des aéronefs applicable en 2005. Le nouveau coefficient de modulation est venu prendre en compte l'heure de décollage et les caractéristiques acoustiques de l'appareil dans un rapport de 0,5 à 120, contre un rapport de 1 à 50 auparavant. Contre toute attente, l'application aux flottes modernes de ces nouveaux taux de référence a eu l'effet inverse de celui escompté : elle s’est traduite par une diminution de moitié du rendement de la taxe pour certains types d’avions. Cette situation a été corrigée par la suite avec la création d’un nouveau groupe acoustique, rendue applicable en 2006. Selon la mission d’audit, il est permis de penser que la situation soit en voie de rétablissement, avec un résultat attendu pour 2006 dépassant 45 M€ ; pour l’année décalée allant de mars 2006 à mars 2007, l'enveloppe dépasse même les 50 M€, mais sans atteindre toutefois l’objectif fixé de 55 M€. Ce dernier chiffre devrait cependant, selon les responsables financiers de la DGAC, être atteint en 2007.

La deuxième raison avancée pour expliquer la dégradation de 2005 tient au fait qu’il manque dans les fichiers d’exploitation transmis par les aéroports les données relatives au classement acoustique des aéronefs. Sans une telle base de données acoustiques, l’aviation civile n’a pas les moyens de confronter les résultats financiers avec les instruments de suivi du trafic dont disposent ses différents services. Cette exploitation informatique est pourtant facilitée par le fait que les critères de calcul de la TNSA sont intégrés dans les données d’exploitation transmises par les aéroports. L’exemple de la taxe d’aéroport montre en effet qu’un taux de recouvrement optimal est atteint lorsque le contrôle est rendu possible par le croisement automatisé des déclarations avec les données de trafic transmises par les aéroports au service statistique de la DGAC. Un tel traitement n’est toujours pas possible pour la TNSA, dans la mesure où il manque, dans les fichiers d’exploitation transmis par les aéroports, les données relatives au classement acoustique des aéronefs.

La troisième cause de la baisse enregistrée en 2005 est imputée au nécessaire rodage des modalités de perception inhérent à la mise en place du nouveau service de collecte ; ce phénomène avait déjà été observé en 1993 à l’installation du dispositif Ademe, puis en 1999-2000 lors du transfert aux douanes.

Les améliorations à apporter au dispositif

Les indications concernant 2006 montrent que la situation est en voie de redressement et qu’il ne convient pas de modifier à nouveau en profondeur le dispositif, par une nouvelle hausse majeure des coefficients, ce qui aurait plutôt tendance à déstabiliser le système mis en place. Dans l'immédiat, selon la mission d’inspection, il y a urgence à produire la base informatisée de données acoustiques des appareils. En cours d’établissement depuis deux ans par la même équipe du Service des bases aériennes (SBA) puis de la Direction des affaires stratégiques et techniques (DAST), cette base faciliterait, d'une part, la tâche des compagnies pour l'élaboration de leur déclaration et, d'autre part, les contrôles par le Service de gestion des taxes aéroportuaires (SGTA). D’après la mission d’audit, il semble que l’insuffisance de collaboration entre les services de l’administration de la DGAC soit à l’origine du retard pris : les informations nécessaires existent, mais sont dispersées entre plusieurs services de la DGAC et les aéroports. La situation pourrait, semble-t-il, être rapidement débrouillée. La note de la DAST transmise à la mission d’audit en septembre 2006 fait d’ailleurs état de la mise au point d'un fichier devenu quasi exhaustif. Cependant, compte tenu de l'évolution permanente des flottes, cette base ne peut être tenue pour définitive, et un processus de mise à jour permanent, associant les différents services de la DGAC et les aéroports, est nécessaire. C'est la raison pour laquelle, il est proposé à terme rapproché de simplifier les critères sur lesquels sont basés la TNSA en adoptant un critère acoustique unique pour l'ensemble des impositions du secteur et de remplacer le système déclaratif volontaire à effectuer par les exploitants par celui de la déclaration pré remplie adressée par l'administration.

D'autres aménagements au dispositif, à appliquer ultérieurement, permettraient d’en améliorer l'efficacité. Une simplification des bases de calcul, par l'adoption de références permanentes liées exclusivement au modèle, faciliterait grandement la tenue à jour des bases de données et éviterait des erreurs. La formule retenue pour la caractérisation acoustique des appareils devrait être rendue homogène et, si possible, fondée sur des classements internationaux (OACI). La masse maximum au décollage pourrait quant à elle être fixée à partir du certificat de navigabilité. Autre mesure qui simplifierait les déclarations et permettrait à l'administration de consacrer l'essentiel de ses moyens aux vérifications qui le méritent, l'exonération ou la taxation forfaitaire des aéronefs de moins de 6 tonnes, catégorie dont le produit est très modeste. Pour mieux coller aux besoins réels de financement, le classement des aéroports pourrait par ailleurs être agrémenté de fourchettes de taux permettant un véritable ajustement aux besoins. Enfin, face aux importantes disparités dans les besoins de financement des aéroports – à Orly, Nantes et Toulouse, même sur la base d'une recette totale effective de 55 M€, la taxe perçue resterait bien en dessous de l’enveloppe nécessaire –, une aide complémentaire, élargissant les possibilités d'avances ou permettant le subventionnement des collectivités locales, constituerait un début de réponse. L’affectation au produit de la TNSA du montant des amendes administratives concernant les infractions à la réglementation sur la limitation des nuisances sonores prononcées par l'ACNUSA, irait notamment dans ce sens.Rapport de mission d’inspection sur la gestion de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA) - Rapport n° 004896-01 - 11 octobre 2006 - Conseil général des Ponts et Chaussées pour l’Inspection générale de l’aviation civile (format pdf - 1,53 Mo)

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