En 2022, des associations environnementales demandaient à ce que la nouvelle réglementation encadrant le bruit des éoliennes soit annulée. N'obtenant pas de réponse du ministre de la Transition écologique, elles ont porté leur réclamation devant le Conseil d'État. L'échelon suprême de la juridiction administrative a rendu sa décision ce 8 mars, en faveur des associations.
La réglementation encadrant l'activité éolienne, qui est celle applicable aux ICPE (Installations classées pour la protection de l'environnement) au titre de la rubrique 2980, prévoit des règles strictes d'implantation et de construction, détermine des normes techniques destinées à la prévention des accidents et des incendies ainsi que des normes de niveau sonore. Ces règles ont été revues en 2021 par des arrêtés modificatifs. Puis, en 2022, une nouvelle version du protocole de mesures acoustiques a été adoptée.
Ainsi, l'exploitant éolien doit systématiquement faire vérifier la conformité acoustique de l'éolienne dans les 12 mois qui suivent la mise en service industrielle. Il existe toutefois une dérogation, qui peut être accordée par le préfet permettant à l'exploitant d'avoir 18 mois pour faire réaliser cette mesure acoustique. Pour faire vérifier la conformité acoustique des éoliennes, leur exploitant ne se réfère plus à la norme NF 31-114, mais à un protocole de mesure acoustique reconnu par le ministre de la Transition écologique. Ce protocole est paru pour la première fois au Journal Officiel le 21 décembre 2021, et a été revu en mars 2022. Si le législateur souhaite modifier ce protocole, il doit obligatoirement passer par une nouvelle procédure de reconnaissance.
Le protocole donne notamment des indications sur les points de mesure et le matériel de mesure à utiliser. Il précise également les informations devant être détaillées dans le rapport d'étude, qui synthétise les résultats de mesure. En fonction de ces résultats, l'administration statue sur la conformité réglementaire de l’installation ou impose à l'exploitant des actions correctives par arrêté préfectoral.
Pour les association requêrantes, le protocole de mesure serait trop clément et ne permettrait pas une protection optimale de la santé des riverains. Plus précisemment, les éoliennes peuvent avoir des incidences notables sur l'environnement. A ce titre, elles doivent être regardées comme étant des plans et programmes devant être soumis à évaluation environnementale. Idem pour le protocole de mesure : en déterminant la méthodologie de mesure et d'analyse des données, ainsi que les résultats qui seront présentés dans le rapport d'étude, ce protocole sert de base au rapport qui sera étudié par l'administration pour statuer sur la conformité de l'éolienne aux valeurs réglementaires. Ainsi, les arrêtés ministeriels, comme les décisions approuvant le protocole doivent être considerés comme des plans et programmes soumis à évaluation environnementale, et donc à consultation du public, ce qui n'a pas été le cas pour ces textes de 2021 et 2022. L'absence d'évaluation préalable entâche ces textes ministériels d'une irrégularité. Autrement dit, sans évaluation environnementale préalable de ces textes, ces textes ne valent rien.
Sur ce fondement, le Conseil d'État donne raison aux associations et annule les textes de 2021 et de 2022. Il enjoint par ailleurs l'État à leur verser 3000 euros.
Concrètement ça change quoi ?
Le protocole de mesure acoustique (en ses trois versions successives) est annulé, et cela pourrait avoir une incidence sur l'activité des exploitants d'éoliennes, sur les projets à venir mais également sur les parcs existants. Les projets en instruction ou autorisés mais pas encore construits devraient en principe refaire une évaluation environnementale complète. Pour les associations, cette décision du Conseil d’État constitue une « victoire majeure pour la protection de l’environnement, la santé des riverains et le respect des lois ». Si un nouveau protocole est élaboré par le ministère, il devra passer par une étape obligatoire : la consultation du public.
En attendant, la réglementation antérieure à 2021 doit être appliquée. Dans sa décision, le Conseil d'État ne reconnait pas l'insuffisance du protocole (il ne rend pas une décision sur le fond), mais l'annule sur la forme, pour un vice de procédure.