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Bruit dans l’environnement : une méthode pour mieux prendre en compte l'ensemble des effets sanitaires du bruit

L’Anses vient de publier un rapport dans lequel elle propose une démarche innovante d’évaluation des impacts sanitaires extra-auditifs. Cette méthode est destinée à être mise en œuvre au niveau local dans le but de documenter les situations d’exposition à des bruits environnementaux, avant et après la réalisation de projets d’aménagements d’infrastructures.

anses-couv-rapport-bruit-2013L’Anses vient de publier un rapport dans lequel elle propose une démarche innovante d’évaluation des impacts sanitaires extra-auditifs. Cette méthode est destinée à être mise en œuvre au niveau local dans le but de documenter les situations d’exposition à des bruits environnementaux, avant et après la réalisation de projets d’aménagements d’infrastructures.

Alors que les effets néfastes de l’exposition à de forts niveaux de bruit sont bien connus, il existe d’autres effets sanitaires du bruit, dits « extra-auditifs », qui peuvent apparaître à des niveaux d’exposition plus faibles, observés par exemple à proximité d’infrastructures de transport ou d’activités industrielles. Saisie par les ministères chargés de l’Environnement et de la Santé, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) propose dans un avis une méthode d’évaluation des impacts sanitaires extra-auditifs du bruit environnemental permettant notamment d’intégrer les effets des brefs évènements sonores.

Pour mener à bien ce travail, l’Agence a mis en place un groupe de travail pluridisciplinaire (acousticiens, épidémiologistes, chronobiologistes, spécialistes des sciences humaines et sociales…), sous la conduite d’un comité d’experts. Deux études réalisées à l’occasion de cette expertise ont également été prises en compte : la première, confiée à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, visait à documenter le champ des effets psychosociologiques et territoriaux du bruit ; la seconde, réalisée par le Centre d’information et de documentation sur le bruit (CIDB), a produit un état de l’art consacré à la réglementation française relative au bruit dans l’environnement et aux réglementations étrangères en vigueur.

S’appuyant sur une revue des connaissances, le groupe de travail estime que les effets extra-auditifs de l’exposition au bruit environnemental restent mal connus, notamment concernant les effets chroniques à long terme. En cause, la grande variabilité des effets entre les individus exposés et la complexité des interactions entre divers paramètres – physiques, physiologiques, cognitifs et socio-économiques – impliqués dans les relations bruit-santé. Les experts notent toutefois que la gêne chronique liée au bruit, facteur de stress continu, influe sur la survenue d’effets néfastes pour la santé à long terme. Le rapport déplore par ailleurs le manque de robustesse des courbes dose-réponse. Qui plus est, celles-ci reposent essentiellement sur des déterminants acoustiques (indices énergétiques moyens) peu adaptés aux évènements de bruit ponctuel. En dehors de la gêne, d’autres effets psychosociologiques et comportementaux sont décrits : effets sur les attitudes et le comportement social, sur les performances et l’automédication. Le bruit des transports entraîne des effets socio-économiques sur les territoires, déqualification territoriale, modification des choix de résidence, distribution spatiale non équitable des nuisances pesant fortement sur les bas revenus.

Considérant qu’il n’est pas possible, en l’état des connaissances, de déterminer des indicateurs et des valeurs de référence dans le domaine des risques liés au bruit des transports et des activités, les objectifs de l’expertise ont été réorientés vers la construction d’une méthode d’évaluation des impacts sanitaires des effets extra-auditifs du bruit environnemental. Quatre effets sont retenus, parmi lesquels des effets à court terme (perturbations du sommeil, gêne liée au bruit) et des effets à moyen ou long terme (troubles de l'apprentissage scolaire) et des effets cardio-vasculaires (infarctus du myocarde).

Sur la base de l’expertise, l’Anses propose ainsi une méthode d’évaluation des impacts sanitaires des effets extra-auditifs du bruit environnemental. Cette méthode est destinée à être mise en œuvre au niveau local dans le but de documenter les situations d’exposition à des bruits environnementaux, avant et après la réalisation de projets d’aménagements d’infrastructures. La méthode proposée en vue de la réalisation d’une étude d’impact sanitaire utilise une grille-support, développée par le groupe de travail, qui permet une évaluation des risques. Pour la construction de la grille, quatre effets sont retenus. Ce sont ceux pour lesquels des courbes dose-réponse sont disponibles dans certaines situations d’exposition et qui ont été rapportés dans le document de l’Organisation mondiale de la santé Burden of diseases (OMS 2011) : perturbations du sommeil, gêne liée au bruit, troubles de l'apprentissage scolaire et effets cardio-vasculaires. La démarche s’articule en quatre étapes. La première consiste à rassembler les données d’entrée nécessaires à l’évaluation des impacts sanitaires (description de la zone géographique étudiée, de l’état sonore existant et du projet d’infrastructure). Dans un second temps, à travers la caractérisation des zones exposées à des niveaux sonores supérieurs aux valeurs limites identifiées, des territoires sont circonscrits et les populations concernées sont recensées. La troisième étape celle de l’analyse qualitative des impacts sanitaires possibles, est réalisée par le croisement des relations expositions-effet avec les paramètres sociaux, territoriaux et les facteurs individuels. En dernier lieu, les incertitudes reposant sur l’évaluation des impacts sanitaires sont identifiées et discutées.

L’Agence se propose d’accompagner la mise en œuvre de cette méthode dans le cadre de projets pilotes. Elle conseille notamment de la tester sur le terrain et de l'améliorer au gré des retours d’expérience des différents spécialistes du bruit. Concernant les quatre effets sanitaires retenus, le groupe de travail « attire l'attention sur les limites d'applicabilité des courbes dose-effet » et déconseille fortement leur utilisation dans des études d'impacts sanitaires locales menées sur un nombre limité de personnes exposées.

Au chapitre des recommandations, l’Agence préconise que des études d’impact sanitaire approfondies se focalisent sur les populations les plus exposées à des déterminants non-acoustiques susceptibles d'aggraver les effets du bruit, tels que par exemple la pollution de l’air. Elle souligne également la pertinence d’une évolution de la réglementation pour prendre en compte ces facteurs de risque. L’Anses déplore par ailleurs que l’état actuel des connaissances scientifiques sur l’évaluation de l’exposition ne prenne pas en compte le contenu fréquentiel, les caractéristiques des événements sonores (temps de montée et de descente, émergence, durée, impulsivité, intermittence, tonalité, etc.) et les multi-expositions. D'où la proposition de faire porter les efforts de recherche sur les mécanismes d’action du bruit pour les effets à long terme, ainsi que sur les caractéristiques pertinentes du risque (temps de latence, de niveaux de risque, durées, périodes d’exposition et relations exposition-effet). A terme, l’Anses verrait bien la méthode évoluer vers une approche multicritères qui intégrerait le bruit et les pollutions atmosphérique, lumineuse et olfactive. L’agence recommande de mieux définir le rôle et les responsabilités des élus, voire même de confier la prise en charge de ces questions à un organisme dédié. Enfin, à l’occasion d’une transaction immobilière, le groupe d’experts juge nécessaire la mise en place d'un diagnostic acoustique, ainsi qu'une incitation à des mesures correctives en cas d'isolation défectueuse.

Évaluation des impacts sanitaires extra-auditifs du bruit environnemental - Avis de l’Anses - Rapport d’expertise collective - Février 2013 - Édition scientifique (site de l'Anses)

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